Les profs bivalents au compte-gouttes
Seuls vingt-sept candidats au Capes ont réussi la nouvelle mention très décriée par les syndicats
Par Véronique Soulé, Libération
QUOTIDIEN : jeudi 2 août 2007
Difficile d’être «bi»
lorsque l’on veut devenir prof. Pour la première fois en 2006, les
candidats au Capes pouvaient concourir pour une mention complémentaire
leur permettant d’enseigner une deuxième discipline. Plus de 6 000 se
sont portés candidats mais seuls 27 ont décroché la fameuse mention,
devenant ainsi «bivalents». La bivalence, dans sa forme actuelle, a été
créée par les décrets Robien, du nom de l’ancien ministre de
l’Education. Très décriés par les syndicats, ils rallongeaient aussi le
temps de travail de certains enseignants - Xavier Darcos, son
successeur, a abrogé cette dernière partie. En revanche, il est resté
plutôt favorable à la bivalence. «Il faut continuer à explorer cette piste», a-t-il dit.
«Rentabiliser».
En face, les syndicats - notamment le Snes, le principal du
secondaire, mais aussi le Snalc, plutôt à droite - sont très remontés.
Pour eux, la bivalence conduit à un «enseignement au rabais», le professeur ne pouvant avoir la même maîtrise dans sa discipline secondaire.
«Le ministre semble redécouvrir le PEGC (professeur d’enseignement général de collège) recruté à bac plus deux, ironisait le
Snes,
et supprimé par René Monory en 1986.» Les syndicats dénoncent aussi la déconsidération de leur profession et la volonté de
«rentabiliser» les postes d’enseignants.
«Les mentions complémentaires sont difficiles à obtenir, cela montre le niveau d’exigence» :
au ministère, on commentait les chiffres de cette session 2006 en
soulignant que les profs bivalents n’étaient pas de second rang. Gilles
de Robien estimait qu’ils correspondraient mieux à la pédagogie
actuelle. Et que pour les «petits» de sixième, mieux valait avoir moins d’enseignants.
En examinant les
chiffres, l’échec apparaît plus relatif. Pour obtenir une mention
complémentaire, il faut avoir décroché le Capes dans sa discipline. Sur
les 6 419 inscrits au départ, seuls 443 ont franchi l’obstacle. Et
parmi eux, 268 se sont finalement présentés à la fameuse mention.
Concrètement, il s’agit de passer l’épreuve principale d’un autre Capes
et d’avoir au moins la moyenne obtenue par les lauréats. Parmi les
vingt-sept bivalents, vingt (ayant des Capes de langues vivantes et
d’histoire-géographie) ont eu une mention en francais ; six (des
«capésiens» de physique-chimie) en ont eu en mathématiques ; enfin un
(capésien de lettres modernes) en allemand.
Rallonge. Les «bi» vont toucher entre 1 200 euros et 1
500 euros en plus par an. S’ils n’ont pas un nombre d’heures suffisant
dans leur établissement, ils pourront aussi éviter de compléter dans un
autre collège. L’expérience va s’étendre à davantage de disciplines.
Avec la bénédiction de Xavier Darcos : l’enseignant bivalent «aura une carrière plus variée et il sera utile pendant les flottements», s’est-il félicité.